samedi 16 novembre 2019

A Long Day in November: Ernest J. Gaines


Ernest J. Gaines est mort le 5 novembre dernier, à l’âge de 86 ans.
Il s’agit, avec Toni Morrison (elle aussi récemment disparue),  d’un des plus grands noms de la littérature noire américaine. Après la génération des Chester Himes, Langston Hughes, Richard Wright ou  James Baldwin, celle de Morrison et Gaines (né en 1933 à Oscar, Louisiane) est celle des gens qui ont connu la fin de la ségrégation, mais sont restés extrêmement critiques vis-à-vis de la situation des noirs aux Etats-Unis. Gaines est l’auteur de neuf romans et de nouvelles, ainsi que d’un essai , Mozart and Leadbelly (« Mozart est un joueur de blues »).
On a qualifié Gaines de « Faulkner noir » ; ce qui n’est pas exagéré. N’aurait-il écrit que « Colère en Louisiane » (A Gathering of Old Men) qu’on pourrait déjà le dire. Mais au moins deux de ses autres romans, « Autobiographie de Miss Jane Pittman » et « Dites-leur que je suis un homme » (A Lesson before Dying), sont, tant sur le fond que dans la forme, du même très haut niveau. Ce dernier roman est le récit poignant de la condamnation à mort de Jefferson, qui, quoique innocent, est traité de « hog » (porc) par ses juges et même son avocat : « …autant placer un porc sur la chaise électrique !»  Le récit tourne autour de l’apprentissage, par ce jeune homme, de son humanité, grâce à l’intervention de sa marraine et d’un instituteur, Grant Wiggins. Le nom de Gaines avait été évoqué pour le prix Nobel de littérature en 2004.
Les œuvres de Gaines ont été traduites en français par Michelle Herpe-Voslinsky, et publiées chez Liana Levi, alors que la plupart des éditeurs parisiens avaient refusé de le publier. « Colère en Louisiane » a été très fidèlement adapté au cinéma par Volker Schlöndorff, en 1987.



Etienne

vendredi 25 octobre 2019

Rencontre du 15 octobre 2019: Stéphanie Lux



Stéphanie Lux, traductrice de la langue allemande, était à la librairie ce soir-là... 




















































 Nous vous proposons de l'écouter :


lundi 14 octobre 2019

Rencontre du 3 octobre 2019: Sarah Al-Matary

 






Sarah Al-Matary était à la librairie pour une rencontre organisée avec le Département de Lettres modernes de Metz, autour de son ouvrage "La Haine des clercs - l'anti-intellectualisme en France".









Nous vous proposons d'écouter quelques extraits de cette rencontre... 


















lundi 30 septembre 2019

Rencontre du 26 septembre 2019: Anne-Marie Métailié


Jeudi 26 septembre 18-30

Rencontre avec Anne-Marie Métailié










Anne-Marie invite Anne-Marie. Elle nous parle de la passion qui l’anime, se raconte et nous la suivons au fil de son récit au gré des rencontres, des escales… et sa parole fleuve nous emporte autour du monde.





Le truc

Formation de langue romane, laboratoire de Pierre Bourdieu, sciences-po, études sur l'édition, et rencontre avec Jérôme Lindon. « Impressionnant, il parlait magnifiquement de son travail, très ironique il se moquait volontiers de ses confrères. Je me suis dit : « On me cache quelque chose... y'a un truc ! » Donc j'ai monté ma maison d'édition pour voir si je trouvais le truc. Et après 40 ans je peux vous dire que c'est le plus beau métier du monde ! J’aime ce rapport à l'économie et aux objets physiques : 1200 livres! Il faut que les auteurs se sentent accueillis. Vous vivez avec des demi-dieux, des créateurs de monde. Les dix premières années furent assez dures! J’ai reçu un appel de Lindon : « Alors ce bilan on le dépose? » J’étais en colère, colère qui m’a poussée à la création. Après, avec lui, c'était OK!



Une communauté d'auteurs
« Construire un catalogue exige de ne pas céder à tous ses désirs, de ne pas faire la connaissance des auteurs avant de les avoir lus. Un jour un auteur m'a donné deux textes que j’ai refusés. J’avais édités quelques uns de ses amis, il voulait être avec eux... Mais on reste amis. Et au troisième manuscrit : banco! C'était bon ! Lors d’un Salon littéraire organisé par Paco Ignacio Taibo II j'ai reçu un manuscrit : « Electre à la Havane » de Leonardo Padura. J’entends encore ces mots de certains critiques à propos du polar : « Quand ce sera de la littérature, on en reparlera. » Le polar c'est de la littérature ! Donc vous acceptez le projet littéraire de l'auteur et vous devez l'accompagner pour aller aussi loin dans ce qu'il peut donner de meilleur. Au tennis je suis le mur : je renvoie ! Je suis bonne dans les structures. Je venais de la sociologie. On a besoin de penser le monde dans lequel on vit c'est bien que l'on vous aide et que l'on vous facilite les choses.
Il y a des textes de littérature au Brésil qui m'avaient marquée quand j'avais vingt ans et qui ont été mal traduits. Machado de Assis : la traduction était bonne mais il manquait l'ironie. C’était un livre sur la jalousie...  Il y a eu Saramago… Les hommes, j'ai eu un creux dans les années 80... A ce moment-là deux femmes ont cru en moi : Agustina Bessa-Luis et Lidia Jorge. »


 
Coups de chances !
« J'ai été voir Michel Lafon à cette époque. Je sais tout faire : j'ai été le nègre d'un chanteur, un jeune homme assez violent. Son livre s’est vendu à un million huit cent mille exemplaires. J'ai fait des ménages dans l'édition, ça paie bien ! Je suis têtue et obstinée. Je voulais être diffusée par le Seuil. Ils ont été un partenaire dormant. Ils m’ont demandé une garantie bancaire : C'est pour nous protéger de vous. Soit ! Mais j'avais les représentants du Seuil.  C'est comme faire des enfants, si on ne les aime pas... Il faut qu'ils arrivent jusqu'à vous. Il faut pouvoir financer les auteurs. Chaque livre n'est pas rentable. Il faut avoir des auteurs qui financent les jeunes. Sepulveda c'est un peu ça. La chance est essentielle dans ce travail. J'ai toujours eu un coup de chance par an. Le vieux qui lisait des romans d'amour : on est passé en cinémascope ! Il m'a ramené beaucoup d'écrivains d'Amérique latine. Nous sommes dix employés dont des lecteurs qui lisent des langues que je ne connais pas. Des auteurs nous ramènent des auteurs qu'on ne connaît pas. L'Afrique ça commence. On faisait l'Afrique un peu lusophone... Les chemins pour arriver dans un catalogue sont très variés. Par exemple c'est parce qu'il aimait la littérature sud-américaine que j'ai édité un auteur congolais.

Un vendredi soir je reçois un manuscrit - j'ai de la chance les vendredis. J'ai tellement ri! J'appelle l'auteure... Pourquoi à moi? Elle me raconte qu’elle a eu un accident de voiture au Chili. L'infirmière lui a donné un livre de la bibliothèque de l’hôpital… des éditions Métailié. Elle n'a pas déprimé ! Et son livre a été adapté au cinéma : « La Daronne »* avec Isabelle Huppert!!! »


La rentrée littéraire
« Les éditions avec rabats pour certains auteurs c’est une prime à la fidélité ! C’est le cas pour le texte de Padura « La Transparence du temps ». En cette rentrée il y a James Kellman pour « La Route de Lafayette », un flux de conscience… et Christoph Hein avec « L’Ombre d’un père »,  livre qui est une explosion de vie de jeunesse, et puis Indridason : en février ce sera la sortie d'un nouveau roman avec un nouveau personnage c'est très très bien !!!
Et « La Société des rêveurs involontaires » de José Eduardo Agualusa... que des textes magnifiques ! Santiago Gamboa, je lui ai commandé ce texte (« Des Hommes en noir »). D'habitude il aime bien s' installer, pour ce livre-là j'ai réussi à lui faire couper des morceaux !
Elsa Osorio, Lidia Jorge m'envoient leurs textes directement. Je vais à la rencontre des auteurs. J'aime bien voir. Je ne fais pas du tourisme, je vais visiter mes livres. Pour choisir un traducteur il doit avoir de l'oreille, il doit reconnaître la voix de l'auteur, renvoyer la musique spéciale de l'auteur. On doit faire entendre leurs voix, il faut des traducteurs qui ne se prennent pas pour des auteurs!
Cette rentrée nous avons publié deux grands livres : « Le Dernier grenadier du monde » de Bakhtiar Ali, écrivain kurde, la guerre racontée avec la poésie - le roman on ne sait pas ce que c'est, on raconte avec la poésie il ne faut pas être trop rationnel - et « Kintu » de Jennifer  Nansubuga Makumbi : un peu comme un conte, de beaux personnages de femmes.
Tenez ! Je vous raconte l’histoire d'un auteur : j'étais voisine avec Bernard Giraudeau. A ce moment-là il achète les droits d'auteur d'un roman chilien. Il me donne ses  textes... Et c'est formidable. Il tombe malade, je vais le voir, on travaille ensemble...»


Au travail
« Les auteurs gagnent 10% du prix du livre la maison d'édition aussi. Quand l'auteur vend bien c'est intéressant... Le seuil de rentabilité pour un auteur français c’est deux mille livres, pour une traduction c’est quatre mille livres. Concrètement on prend le manuscrit, on lit, on le relit une dernière fois, on le donne à préparer à des femmes plutôt psychorigides... On donne le texte en Word ... On relit à plusieurs... On lance l’impression. Il y a deux, trois mois entre le manuscrit et le livre édité. Nous recevons environ mille deux cents manuscrits par an. La chance et un outil important : s'il y a une voix on le sent dans les trois premières pages... On lit tout.
Un jour de juin - nous avons nos bureau au troisième étage sans ascenseur - arrive une dame toute rouge. J'étais de mauvaise humeur, en train de manger difficilement un sandwich peu présentable et je la reçois d’une manière plutôt sèche. Elle dépose son manuscrit et me demande combien de temps il faudra avant qu’il soit lu. Je lui réponds : trois mois. Elle s’en va et là je me dis que j’ai été désagréable avec elle, de quel droit ? Je la rattrape et lui dis que je vais le lire rapidement. Et là le roman m'explose à la figure. Ça se passait dans ma ville natale. Je le donne à lire à une de mes collaboratrices. Quand elle a terminé elle me dit : « Enfin un texte de jeune! » Je rappelle cette dame et lui demande :
-          Ce texte vous venez de l'écrire ? 
-          Non je l'ai écrit quand j'avais 20 ans ! »

Et pour terminer Anne-Marie Métailié répond à une question de R. à propos de la crainte actuellement de voir passer le pouvoir de l'éditeur au diffuseur.
« Ça se fait en Hollande dans des grandes maisons qui appartiennent aux États-Unis. En France il faut que vous ayez conscience que nous sommes un pays privilégié, notamment à cause du prix unique du livre, de tradition de l'édition…  On en est encore loin. Nous sommes là pour proposer des choses que le marché n'attend pas. C'est pour ça que ça marche et que ça va durer encore cinq générations ! Je souffre du syndrome des oeuvres complètes. Il faut laisser le temps aux auteurs de se construire. Faire des livres je ne sais rien faire d'autre ! »


* "La Daronne", film de Jean-Paul Salomé (Les Films du Lendemain, La Boétie Films, sortie France : 11 03 2020)