samedi 30 mars 2019

"Le livre à Metz"

La librairie Autour du monde participe au festival 
LE LIVRE A METZ











Une artiste a disparu, pas son souffle: Agnès Varda

Comment ne pas adhérer à l'hommage que lui rend 
Antoine Perraud (Médiapart)





Rencontre du 6 avril 2019: Maria Pourchet


Samedi 6 avril à 19h : 
rencontre avec Maria Pourchet
"Les impatients", éditions Gallimard
"Toutes les femmes sauf une", éditions Pauvert





















«Reine est devenue ravissante. Un visage, une chevelure, une allure à boire à l’œil dans tous les bars de métropoles. Encore qu’elle en ait peu profité, elle n’est pas sortie ces six dernières années. Il faut savoir ce que l’on veut.»
À trente-deux ans, pas d’enfants mais beaucoup dediplômes, Reine, fraîchement débauchée d’un poste opérationnel, en occupe déjà un autre. Mais voici qu’elle se lasse – ou se réveille – et, des sentiers battus de la réussite, décampe. Laissant sur place le salariat, les escarpins, la fierté de ses parents.
La voilà libre de s’inventer un avenir.
À ses côtés, un triomphe de la République, Étienne. Parti de la classe ouvrière, recalibré dans une fabrique d’élites, il trépigne sous les ordres d’un P-DG increvable, certain qu’à sa place il ferait beaucoup mieux. Et puis Pierre, un mari raisonnable. Et bientôt Marin, une passion trouvée au bon moment – ou au pire, tout dépend de ce qu’on attend de l’amour.
Dans cette radiographie d’une époque et d’un milieu, on retrouve l’écriture vive de Maria Pourchet ainsi que son talent d’ironiste, tempéré, pour cette romance, par une vraie tendresse.

























Soirée animée par Stéphanie Bertrand,
l'association Lettrés-d'union, les amis de la librairie

 
avec le soutien de la DRAC Grand Est





vendredi 29 mars 2019

Rencontre du 5 avril 2019: Pierre Bayard

Vendredi 5 avril à 19h
Avec la complicité de l'Université de Lorraine et du département Lettres de l'UFR ALL (UL) et le laboratoire "Ecritures" voici un Off bien inspiré ! Augustin Voegele s'entretiendra avec
Pierre Bayard
au sujet de son dernier livre



Ce livre et bien d'autres, vous pouvez les trouver dans la librairie "Autour du monde"

samedi 23 mars 2019

Accueillons les proses du Printemps...


Fini
 " vive le temps d'hiver ",
réjouissez-vous,
il reviendra bien assez tôt.
Voici le printemps ! qui finalement
ne s'est pas trop fait attendre, et nous a déjà offert des jours beaux.
Fini le manteau blanc, voilà le voile blanc des sols
jusqu'au champ des oiseaux.
Comme si le ciel étoilé était trop pressé
d'attendre l'été pour se dévoiler,
il jette sur la Terre quelques poignées d'étoiles prises aux constellations,
pour semer nos villes et nos campagnes,
et nos simples gazons.
Ainsi, de l'Aigle, de l'Hydre, du Loup ou du Dragon...
fleurissent les stars du printemps,
Tulipe, Narcisse, Magnolia  ou Rhododendron...
Les étoiles montantes de la saison font déjà
une remarquable percée,
aussi, Myosotis, Clématite, Pâquerette et Daphné
expriment le désir de plaire sans tarder.
Il est venu le joli temps où la terre
répand ses mille grâces, son langage florissant
empreint d'amour ou de fidélité, des premiers ébats printaniers ou des sentiments naissants timorés,
et puis,
les amères envolées amoureuses,
les fleurs du mal qu'on n'oubliera jamais, intenses
et éphémères.
Toute la poésie du coeur dans toutes ses humeurs. Des couvre-sols pour emballer les coeurs,
aux fleurissants parasols
pour abriter les crève-coeurs.
Il est venu le temps de semer les proses
en rimes de primeroses, pour la nature
si vous êtes en osmose,
pour l'amour pour qui ose.
Parfois fragile, vulnérable ou vulnérante,
mais toujours abondante, Flore désire s'épanouir
et s'offrir, aussi éclore
de la plume des poètes
en devenir,
pour
passionnément
l'accueillir.
Dorothée

lundi 18 mars 2019

Prélude de bacs


A l'orée des mondes imaginaires, avant les ouvrages éphémères, aux confins du Ciel et de la Terre, là-bas, au fond du jardin séculaire, sous les hautes cimes des palmiers qui bordent le globe, se dressent les poutres de métal cloutées qui enchâssent le vitrage plombé.
Toute auréolée du Ciel à l'aplomb, pareille à un baldaquin drapé d'une étoffe de vers du plus bleu de soie, la galerie close de verre étincelant, telle une broche étoilée aux rayons cannelés de diamants, pareille à un ordre impérial, impose au Soleil, son zélé bienfaiteur, toute l'arrogance de son éclat qu'à l'Empire Céleste elle renvoie.
Là, sous le dôme vitré, on serre une pépinière embryonnaire, prélude des jardinières ornementales pour les allées pavées de dalles, des plantes horticoles ordinaires, promesse d'un jardin sincère. La serre vulgaire détient une réserve naturelle de plantes qu'on rencontre à chaque pas dans la nature; des agaves toutes serres tendres à peine déployées, des palmiers duveteux comme des aigrettes de quelques oiseaux nouveaux, des bougainvilliers miniatures comme des petits bouquets sanguins sur la figure, et encore, des pins d'Alep trop jeunes pour la pinède !
La pouponnière de verre et d'acier couve la progéniture de la nature, pour qu'aux bacs au Printemps elle fasse de sa voie par elle héritée perpétuer le langage des lignées. Dans la serre comme embrassée par le Soleil couchant, les rejetons s'apprêtent à se dérouler, s'étirer, se développer, s'épanouir.
A l'air de faîte, par une nuit de Printemps, la voie lactée révèle mille étoiles nouvelles. Et, sous le dôme transparent palpite un air de fête, mille éclosions pour étoiler les parterres. Mille vies nouvelles trépignent de fouler la terre, mille vies nouvelles poussent un brin de musique organique, un air de pure vitalité qu'ici il célèbre la beauté sans cesse perpétuée.
A l'aube de l'ère nouvelle, les boutures sont légions. La nature a toujours raison, la nouvelle sentinelle veille à la floraison.

Dorothée

Photo prise à l'exposition "Japan-ness" / Centre Pompidou Metz

mercredi 13 mars 2019

L’homme a disparu, pas son souffle : J.-P. Richard


Disparition de J.-P. Richard, après celle de J. Starobinski ! Lire l’article de Johan Ferber à ce propos sur Diacritik : « Majuscule des idoles » -


(Re)lire : Microlectures, coll. « Poétique », Seuil, Paris, 1979. 

Pour s’en faire une idée : « Le silence du Sphinx : entretien avec Jean-Pierre Richard, suivi d’une microlecture de Flaubert par Jean-Pierre Richard » (https://journals.openedition.org/flaubert/2414)


Pierre Michon « Relation heureuse » (sur Jean-Pierre Richard)

18 mars 2019

Qu’est-ce en effet qu’une anecdote sinon un moyen de faire affluer sur un seul point, sur un seul événement vécu – et le plus souvent futile, apparemment oiseux – toute la signification vaguement diluée au fil d’une existence ?
Jean-Pierre Richard

Un matin de 1988 ou 1989. Ce doit être l’hiver, mais un beau jour d’hiver. Je rentre dans le studio qui me sert alors de bureau, Rue des Roitelets – laquelle, comme l’indique son nom d’oiseau (qui pourrait être un nom de poète, ou de fleur), dessert un groupe d’immeubles lambda, loin de tout oiseau, de tout poète et de toute fleur, dans un quartier lambda, excentré, neuf, cerné entre une clinique moderniste et une avenue où des trente-huit tonnes déjà lancés vers l’autoroute freinent des quatre fers à chaque feu rouge. Je jouis d’ailleurs de mon studio d’une vue directe sur un de ces feux, je détaille à loisir les trente-huit tonnes rugissant à l’arrêt, et cela ne me déplaît pas. Surtout, cela comble ma mélancolie : j’écrivais bien alors quelques bricoles, mais mon occupation favorite était de porter le deuil des Vies minuscules, de pleurer les Vies minuscules : car ce livre, où j’avais mis le meilleur de moi-même, n’avait eu aucun écho, et j’en tirais des conséquences dramatiques et farfelues : si cet opuscule, qui était moi, n’était rien, je n’étais rien. Il était sous les roues de chaque trente-huit tonnes freinant au feu rouge, et j’y trouvais une joie sombre. On s’amuse comme on peut. Donc, ce matin d’hiver. J’ouvre la boîte aux lettres : une lettre à l’écriture inconnue, à la fois large, généreuse, aux attaques décidées, aux jambages vastes, et hachée, avec des coupes énigmatiques, ou des suspens, à l’intérieur d’un même mot. Je retourne l’enveloppe : J.-P. Richard.
Dans le studio, devant les trente-huit tonnes, j’ouvre et je lis : JPR aime les Vies minuscules. Il me le dit. Il veut écrire une étude sur les Vies minuscules. Je ris de joie. S’il y avait des roitelets, je les entendrais chanter.
On a besoin des grands aînés. Il y a un blanc-seing dans cette lettre : l’auteur qui a couvert à grandes enjambées toute la littérature du xixe et du xxe siècle, qui a écrit là-dessus un livre infini sous des titres divers, celui-là veut bien y ajouter un chapitre sur un livre de ma main. Il me délivre des Vies minuscules : elles seront bien rangées dans la bibliothèque, je vais pouvoir passer à autre chose. J’en ai reçu la permission de celui qui, plus que n’importe quel vivant, porte enclose en lui la littérature des deux derniers siècles.
JPR donne ses rendez-vous au café Le Rostand, rue de Médicis, face au Luxembourg. Aussi est-ce là que nous nous sommes rencontrés, peu après la lettre.
C’est toujours l’hiver, vers cinq heures du soir, la nuit tombe, brume ou bruine. Les lampes du bar sont déjà allumées : un soir pourri, un soir de spleen auraient dit les vieux auteurs que lui et moi idolâtrons. Le voilà, voilà la critique personnellement. L’œil de la critique pétille à ma vue. Cet œil a interrogé chaque syllabe des œuvres de Chateaubriand, de Mallarmé. De Guérin à Céline, il connaît toute chose écrite pour ce qu’elle est. J’ai peur, je suis éteint. Je fais à moitié la gueule. La bienveillance, le léger accent méridional, le sourire, la fine curiosité, ne m’apaisent pas. Mon humeur noire l’emporte, j’essaie de dissuader JPR du quelconque intérêt de ces Vies minuscules, dont il prétend faire une analyse. Acrimonieux envers moi-même, envers lui, envers le champ littéraire, envers la critique, envers le sort, enfin tout : ingrat, comme JPR lui-même dit que l’était Sainte-Beuve envers le monde. Je crois à ce que je dis, j’ai mis le profil noir, que j’arbore volontiers quand je rencontre pour la première fois quelqu’un que j’admire, pour le dissuader d’emblée sur la marchandise. JPR fait comme s’il n’en était rien, il en a vu d’autres sans doute. Les cabotinages d’auteur, il en connaît de toute sorte. Quand nous sortons, la nuit est tombée tout à fait. Il m’accompagne jusqu’au feu rouge qui est à l’angle de Saint-Michel et de la rue Médicis. Face à nous au bout de Soufflot, le Panthéon illuminé flambe dans la brume. Prenant congé, il me dit doucement quelques mots dont je ne me souviens pas, mais dont le sens peut brutalement se résumer à ceci : ne crachez pas dans la soupe.
À l’époque de la lettre et des trente-huit tonnes, de la première rencontre, je peinais à commencer un texte de commande, à propos de Rimbaud. Rimbaud avait été le héros secret des Vies minuscules, et sa présence tutélaire veillant sur ce livre en justifiait tous les échecs. Tout cela, J.-B. Pontalis l’avait fort bien lu, et c’est pourquoi sa commande m’enjoignait le choix de Rimbaud, que j’aurais préféré éviter. J’ai d’abord pensé axer le texte sur le frère mal aimé de Rimbaud, Frédéric, qu’Arthur appelait « l’idiot », un homme de rien, qui fut conducteur de fiacre à Attignies : mais j’ai vite renoncé à cette parodie dérisoire de mes livres précédents. C’est bien à Rimbaud lui-même qu’il faut que je m’en prenne, mais par quel biais ? En essayant d’être plus malin que les autres exégètes ? Peine perdue, les plus déliés s’y sont cassé les dents. Plus extravagant ? Mais comment l’être à ce sujet avec plus d’extravagance et de panache que Claudel ? Renier et assassiner la jeunesse qui est en train de me quitter ? Mais la jeunesse rimbaldienne est mon seul bien intérieur, m’en défaire serait me ruiner. Faire le procès de la poésie ? Les procès ne sont pas mon fort. Je veux bien m’en prendre à Rimbaud, c’est-à-dire l’attaquer, le dévaluer, mais pour en fin de compte l’exalter davantage. Je dois cracher dans la soupe et d’un coup de baguette magique transformer cette offense en safran, en offrande.
Un de ces matins d’incertitude rue des Roitelets, mon regard se pose sur un livre de JPR. Je flotte un instant. Je pense à l’hiver, au carrefour de Soufflot, au Panthéon flambant sous ses sunlights. Je pense à JPR. Je le vois devant moi en quelque sorte, penché sur moi, sa bienveillance à peine ironique, sa mise en garde discrète, son intérêt profond. Il a presque sur la tête la calotte de soie de Sainte-Beuve, quoiqu’il soit moins corpulent que Sainte-Beuve, et sans ingratitude. C’est sous son œil et sa dictée en somme que je trouve l’entrée, l’angle, l’attaque : je parlerai de Rimbaud face au grand bruissement de la critique, que j’appellerai la Vulgate. Par dérision sans doute, la Vulgate, mais en n’oubliant jamais que la Vulgate est l’œuvre de saint Jérôme, et que face à Rimbaud la critique s’appelle Mallarmé, Breton, Claudel. J’y serai moi-même la critique et me moquerai de moi. Je coifferai moi-même la calotte de soie de Sainte-Beuve. Je m’y rirai de Rimbaud et de la critique face à Rimbaud, mais j’essaierai de faire en sorte que ce rire lyrique se transforme en louange, en approbation, en chant. Le livre devra être un assassinat, mais fraternel, et une résurrection. Une réconciliation entre l’archipoète et ses critiques.
Car la littérature, a écrit JPR, est « comme le domaine électif de la relation heureuse ».
C’est entre le Panthéon et le Luxembourg, dans l’hiatus de brume qui les sépare, qu’est le cœur de mon Rimbaud le fils. Ce cœur est dans le troisième et le quatrième chapitres. Il est adressé à JPR. Dès l’attaque, cependant, le texte se range sous le signe de JPR, dont j’ai alors déjà lu en tapuscrit l’étude sur les Vies minuscules : il y dit que mon rapport à l’écrit est « fidèle à la fois à une image paternelle fuyante et impuissante – et passionnément non matricide ». Fort bien. J’applique à la lettre cette double postulation à Rimbaud lui-même, je brode autour de cette assertion la double constitution structurelle de Rimbaud enfant, divisé entre l’élan vers le capitaine Rimbaud son père, enfui à jamais, et l’amour ambivalent pour la mère dans son être-là sombre, adorée, haïe, à laquelle il fut fidèle jusqu’à Harrar d’où il la combla de lettres aimantes. Ce que j’affuble d’oripeaux métaphoriques, le « clairon fantôme » du père enfui et les noires « patenôtres » de la mère, la double chanson inscrite dans le petit Rimbaud qui en fera l’usage poétique que l’on sait, tout cela sort en droite ligne de la phrase de JPR à mon propos, que j’ai citée.
Mais le cœur est dans le troisième et le quatrième chapitres, où je confronte Rimbaud à son premier critique – c’est-à-dire à ce que JPR fut pour moi –, à l’instance critique générique, à laquelle je donne cavalièrement la figure du poète Théodore de Banville. J’ai pris des libertés avec Banville : j’en ai fait ce critique qu’à notre connaissance il ne fut jamais, et, à l’exception de JPR, personne à la lecture de mon livre n’a sourcillé – qui se soucie encore ce que bricolaient ces vieux Messieurs du Second Empire ? Et peu importe que cette ronde de la critique rimbaldienne soit ouverte par ce Banville fictif : non, ce qui importe, c’est que tous, toute la haute critique en somme, sous les masques successifs du pseudo-Banville, de Mallarmé, de Breton, de Claudel, de Mondor, de tous ceux que je n’ai pas nommés, s’ébattent, aiment les textes, pensent les textes, prient pour Rimbaud, dans le petit espace sacré, le templum situé entre les statues des reines du Luxembourg et la haute coupole au bout de Soufflot, la gloire du Panthéon. C’est là que je les ai mis. C’était JPR qui m’appelait là. C’était lui qui tirait ma phrase vers lui, pour lui plaire que j’avais planté ce décor, pour lui assis à la terrasse du Rostand par beau temps et regardant s’ébattre, mêlées indiscernablement, erronées, errantes, véritables, la haute littérature et la haute critique. Et en écrivant ces lignes je jubilais, je riais, je les adressais à JPR, je voyais JPR rire à la terrasse du Rostand, embrasser d’un regard Claudel et Mallarmé dansant près de la fontaine Médicis, reconnaître dans ces pages lui-même et son décor, mais l’été, dans le beau temps, loin du jour de brume où je crachais dans la soupe. JPR regarde danser la haute critique « entre la mêlée des arbres et de l’air léger », depuis la fontaine Médicis jusqu’à la masse hautaine qui clôt Soufflot. Sous les ombres du Luxembourg cher au passant, je vois JPR regardant Mallarmé songer, soudain relever la tête, esquisser un pas, danser. Et lui-même tout à coup se levant, traversant d’un bond la rue Médicis dans le fracas des freins, passant la grille du Luxembourg, entrer dans la ronde, rejoindre Mallarmé et le pseudo-Banville, Claudel, saisir fraternellement leur main et leur emboîter le pas, à la place qui lui revient de droit.
Me lisant, est-ce qu’il s’est senti immédiatement le dédicataire secret de ces chapitres ? A-t-il vu que ce décor était planté pour lui, a-t-il entendu que je l’appelais dans la ronde ? Je le crois. Il a consacré à ce livre une étude merveilleuse, Pour un Rimbaud. Tout, de nos brèves rencontres, de notre contact, de nos frottements inconciliables, de notre conciliation pourtant, tout est dit : le blanc-seing que les vieux auteurs donnent aux plus jeunes, celui-là même qu’il m’avait envoyé en hiver par la poste ; la calotte de soie de Sainte-Beuve, qui, écrit-il délicieusement, semble « avoir migré du chef de Sainte-Beuve sur celui de Banville » – et en bout de chaîne, sur celui de JPR ; la mise à mal de la critique et sa transfiguration sous la figure idéale du Gilles de Watteau ; le reniement de la figure légendaire du Rimbaud qui veillait sur les Vies minuscules, et la quête d’un Rimbaud fraternel. Et plus que tout cela, la claire compréhension de mon mode approximatif de pensée, binaire, ma façon théâtrale de brandir des contradictions pour mieux les résoudre par un tour de passe-passe langagier, lyrique, dans ce point où, écrit-il, « se conjoint le couple du oui-non ». Le point sans doute où décembre, mois où on crache dans la soupe, se résout sous la forme de ce mois de juin où les auteurs dans le Luxembourg appellent dans leur ronde JPR. Le point où l’archipoète danse avec ses critiques. Le point aussi, le point exact où, rue des Roitelets, j’ai cru conjoindre dans ces pages la masse aveugle des trente-huit tonnes, leur chute horizontale infinie, la pure destruction, et les oiseaux absents, l’envol et les noms des oiseaux. Leur relation heureuse.
Pierre Michon
Littérature en 2011 – mis en ligne sur Cairn le 30 janvier 2012 
Merci à Arnaud Maïsetti de nous avoir fait découvrir ce texte  (http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article2321)