samedi 21 mars 2020

Erri de Luca


Où les mots se déplacent sans attestation dérogatoire

Voici un petit texte que je viens de lire et qui est extrait de "Le jour avant le bonheur " d’Erri de Luca, écrivain napolitain que vous m’avez magnifiquement conseillé.


Je me suis étendue sur mon canapé et j’ai ouvert le livre à cette page :



Le petit garçon découvre le plaisir, voir le délicat érotisme que la nature peut avoir sur notre corps. En ce temps de confinement, cet extrait m’a immédiatement fait éprouver la sensation de l’air et des hauteurs pénétrantes au moment où "le toucher" paraît menaçant.


"Nous sommes montés au milieu des genêts, sur la piétaille. Nous sommes arrivés au bord du cratère, un trou large comme un lac, où disparaissait la pluie fine du nuage avant de toucher terre. Le nuage de l’été nous trempait, mouillés de sueur et de pluie. Tout n’était que paix dans ce nuage de brume légère, une paix tendue qui concentrait le sang. Sur le bord du volcan, à la fin de la montée, je sentis que mon sexe avait gonflé.  Je m’éloignais de Don Gaetano prétextant un besoin urgent. Quelques pas en descente suffirent à m’enfermer dans la densité du nuage et j'évacuai mon envie en la répandant sur la cendre compacte. Don Gaetano m’appela et je le retrouvai. "Ca c’est la nature, mon garçon, quand tu es seul dans un de ses coins perdus et que tu te connais". J’étais étourdi, le nuage m’avait fait entrer dans son bain, il avait soufflé sa vapeur sur mon visage et me gardait enfermé. Les yeux ouverts ou  clos, je voyais la même chose, un voile sur les paupières et le sang blanc qui montait jusqu’à la pointe de mon sexe. C’était la nature et je l’abordais pour la première fois."

Voilà. Belle respiration!


par Véronique