Où les mots se déplacent sans attestation dérogatoire
Voici un petit texte que je viens de lire et qui est extrait de "Le jour avant le bonheur " d’Erri de Luca, écrivain napolitain que vous m’avez magnifiquement conseillé.
Je me suis étendue sur mon canapé et
j’ai ouvert le livre à cette page :
Le petit garçon découvre le plaisir,
voir le délicat érotisme que la nature peut avoir sur notre corps. En ce temps
de confinement, cet extrait m’a immédiatement fait éprouver la sensation de l’air
et des hauteurs pénétrantes au moment où "le toucher" paraît
menaçant.
"Nous sommes montés au milieu
des genêts, sur la piétaille. Nous sommes arrivés au bord du cratère, un trou
large comme un lac, où disparaissait la pluie fine du nuage avant de toucher
terre. Le nuage de l’été nous trempait, mouillés de sueur et de pluie. Tout n’était
que paix dans ce nuage de brume légère, une paix tendue qui concentrait le
sang. Sur le bord du volcan, à la fin de la montée, je sentis que mon sexe
avait gonflé. Je m’éloignais de Don Gaetano prétextant un besoin urgent.
Quelques pas en descente suffirent à m’enfermer dans la densité du nuage et j'évacuai
mon envie en la répandant sur la cendre compacte. Don Gaetano m’appela et je le
retrouvai. "Ca c’est la nature, mon garçon, quand tu es seul dans un de
ses coins perdus et que tu te connais". J’étais étourdi, le nuage m’avait
fait entrer dans son bain, il avait soufflé sa vapeur sur mon visage et me
gardait enfermé. Les yeux ouverts ou clos, je voyais la même chose, un
voile sur les paupières et le sang blanc qui montait jusqu’à la pointe de mon
sexe. C’était la nature et je l’abordais pour la première fois."
par Véronique