McCoy ne tombe jamais dans des facilités conventionnelles, et il a du goût. Il peut prendre n'importe quel air, même le plus bizarre, et lui donner un beau son.
John Coltrane
Comment
survivre après avoir côtoyé pendant plusieurs années un génie comme John
Coltrane ?
C’est
l’expérience qu’a réussie McCoy Tyner, son pianiste, né en 1938 et qui vient de
disparaître. Ses deux autres acolytes dans le quartette de Coltrane, Jimmy Garrison
(1934-1976), le bassiste, et Elvin Jones
(1927-2004), le batteur, n’ont pas su
faire aussi bien, quoique le second ait quand même réussi quelques belles
choses.
McCoy
Tyner, face à Coltrane et Jones, c’était un peu comme l’eau et le feu. Il les
suivait sans difficulté et s’adaptait à leur furie, avec Garrison à ses côtés,
et un peu paradoxalement, c’était celui qui, après le saxophoniste, prenait le
plus de solos (Jones n’en faisait pas beaucoup, c’était un soliste permanent,
et Garrison encore moins). C’est peut-être parce qu’il était le plus jeune (22
ans) quand il a rejoint Coltrane (celui-ci en avait 30, Jones 33, Garrison 27)
qu’il a le mieux géré l’après-Coltrane.
Né à
Philadelphie (comme Philly Joe Jones et Archie Shepp), Tyner y a fréquenté Bud
Powell (un des plus grands pianistes du jazz). Très jeune, il joue avec des
musiciens de passage dans les clubs de la ville. Il rencontre Coltrane en 1956
et lui offre une composition, ‘‘The Believer’’ ; il a 18 ans ! Et,
bien sûr, il rejoint Coltrane en 1960. Avec Jones et Garrison, ils vont, cinq
ans durant, incarner la révolution du free jazz partout dans le monde :
Etats-Unis, Europe (particulièrement la France), Japon. Et enregistrer des
dizaines d’albums, chez Atlantic et Impulse !, deux des compagnies les
plus en vue de l’époque.
En 1965,
deux ans avant la mort de Coltrane, McCoy Tyner le quitte et se lance dans une
carrière solo déjà amorcée alors qu’il était encore membre du quartette. Il
joue avec des musiciens aussi divers qu’Ike et Tina Turner ou Sonny Rollins, et beaucoup d’autres. Mais surtout il dirige
ses propres formations : trios sans cuivres, petites formations avec
saxophonistes (Joe Henderson notamment) ; à l’occasion il retrouve
Garrison et Elvin Jones. Et enfin grands orchestres, comme celui qui
l’accompagnait lorsqu’il est venu à Nancy, lors du festival NJP, en 1990, un
moment difficile à oublier.
On peut
écouter McCoy Tyner aux côtés de Coltrane : Olé (Atlantic), Selflessness
et Live at Birdland
(Impulse !) ; sur ce dernier album figure un morceau enregistré en
studio, Alabama, que toute personne qui dit ne pas aimer le free jazz devrait
écouter avant qu’on puisse en reparler… Et tous les autres…
En solo,
il faut écouter The Real McCoy
(1967), dans lequel il retrouve Elvin
Jones, Remembering John (1991) et Quartet (avec Joe Lovano, 2007).
Enfin on
peut voir McCoy Tyner sur de nombreuses vidéos, dont l’enregistrement de A Love Supreme de Coltrane, à Antibes en
1965, que l’ORTF avait filmé, hélas incomplètement.
Etienne Lesourd
Crédit photo : https://fr.wikipedia.org/wiki/McCoy_Tyner