Comme annoncé en octobre, lors de la présentation de
notre Premier prix littéraire, nous
espérons toujours que la venue le 14 janvier 2021 à la librairie « Autour
du monde » de Sébastien WESPISER des éditions AGULLO pourra avoir lieu.
Dans
l’attente, voici un lien vers le 23e festival international du roman noir de Frontignan où vous pourrez écouter un extrait
d’ « Il était une fois dans l’Est »
Un
autre lien vers la bande annonce (en slovaque) de l’adaptation du « Bal
des Porcs », le deuxième roman d’Arpad SOLTESZ : « Svina »
(Scumbag en anglais)
L'écrivaine et réalisatrice Nelly Kaplan
au côté du cinéaste Abel Gance, en novembre 1965. [Lipnitzki / Roger-Viollet -
AFP]
Nelly Kaplan, née en 1931, est décédée le 12 novembre
dernier.
Née à Buenos Aires, elle arrive à Paris dans les années
1950 et va tout de suite à la cinémathèque française, où par l’intermédiaire
d’Henri Langlois, elle rencontre Abel Gance, dont elle devient l’assistante.
Amie d’André Breton et d’André Pieyre de Mandiargues,
elle est proche du surréalisme.
Elle réalise plusieurs films d’art, et en même temps
publie des ouvrages de fiction chez divers éditeurs (Losfeld, La Jeune Parque,
Pauvert, La Différence).
Son premier long métrage de fiction, dont aucun
producteur n’avait voulu, est réalisé avec un petit budget (constitué par
l’avance sur recettes et un emprunt), et sera un succès, dans la foulée de
l’esprit libertaire de 1968. Il s’intitule La
Fiancée du Pirate et raconte l’histoire d’une jeune femme qui se venge des
notables locaux qui l’ont exploitée. En dépit d’une interdiction aux moins de
18 ans et du refus de tous les distributeurs de le diffuser, il triomphe
et est aujourd’hui considéré comme un des meilleurs films français de cette
époque, un des rares qui exprime l’état d’esprit du temps.
« L’histoire d’une sorcière des temps modernes
qui n’est pas brûlée par les inquisiteurs car c’est elle qui les brûle »
(Nelly Kaplan) est portée magnifiquement par son interprète Bernadette Lafont,
soutenue par une belle brochette d’acteurs, parmi lesquels Louis Malle, dans le
rôle d’un ouvrier espagnol nommé Jésus (le curé du village, aussi corrompu et
concupiscent que les autres, s’appelle l’abbé Dard !), et Michel
Constantin, marchand ambulant qui lui sert d’initiateur au cinéma. Le tout en
fait un chef-d’œuvre.
Droits réservés : Le Monde -Le metteur en scène
Jean-Pierre Vincent en 2019 - Jean-Louis Fernandez
Le grand metteur en scène de
théâtre, Jean-Pierre Vincent, est mort cette nuit à l’âge de 78 ans, a annoncé
son entourage. Fragilisé par la Covid-19, il souffrait de séquelles, ce qui
avait contraint le Théâtre National de Strasbourg à reporter la création de
son Antigone de Sophocle prévue cette
saison. Il aura été le compagnon de route de Patrice Chéreau au début de sa
carrière. Il a aussi dirigé le TNS à Strasbourg et la Comédie-Française.
C’est avec Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau que Jean-Pierre
Vincent fait ses premiers pas au théâtre. Ils se rencontrent au groupe théâtral
du lycée Louis-le-Grand. “J’ai vu un jour sur
une porte grise dont je ne souviens très bien écrit à la craie : groupe
théâtral” raconte Jérôme Deschamps. “Et
derrière la porte, il y avait Jean-Pierre et Patrice. Et tout d’un coup on
basculait dans un autre monde. Il y avait une sorte de bienveillance chez
Jean-Pierre tout à fait admirable et simple“. Jean-Pierre Vincent
se tourne très vite vers la mise en scène et suit Patrice Chéreau à
Gennevilliers, puis au Théâtre de Sartrouville.
Avec le dramaturge Jean Jourdheuil, ils fondent le Théâtre de
l’Espérance, chantre de l’expérimentation. Ils mettent en scène les auteurs
allemands : Brecht, Büchner, Grabbe. Jean-Pierre Vincent se fait remarquer et
on lui confie en 1975 la direction du Théâtre National de Strasbourg. Il donne
une place importante à la formation et produit de grands spectacles autour de
la classe ouvrière.
En 1983, François Mitterrand lui confie le poste très convoité
d’Administrateur général de la Comédie-Française. Il ne se s’y sent pas très à
l’aise, et quitte la Place Colette à l’été 86 pendant la première cohabitation.
“Si son engagement et sa radicalité, que nous
lui avons connus jusqu’au bout, ont pu créer alors des incompréhensions, il a pourtant
ouvert une voie en tournant notre théâtre vers sa modernité” a
confié Eric Ruf, l’actuel Administrateur. “Je
puis témoigner que nous en profitons encore aujourd’hui. Chaque administratrice
ou administrateur depuis en a fait son miel.”
Après le Français, Jean-Pierre Vincent replonge dans la direction
d’un grand théâtre en 1990, il succède à Patrice Chéreau à la tête des
Amandiers de Nanterre. Il y reste pendant plus de dix ans. Il devient un
dénicheur de talents. Il convie en résidence de jeunes metteurs en scène, dont
Stanislas Nordey. “On n’en n’a pas plusieurs
des pères de théâtre” nous a confié le directeur du TNS. “Il m’a mis le pied à l’étrier, il m’a appris tout ce
qu’est le théâtre public, il m’a initié au théâtre contemporain. Je lui dois beaucoup.
Et puis c’était un pédagogue extraordinaire qui savait emmener très loin les
jeunes acteurs.”
A la mort de Patrice Chéreau en 2013, il devient une sorte de
Commandeur du théâtre français, une référence, le garant d’un théâtre exigeant.
“Une sorte de conscience du théâtre français”
conclut Stanislas Nordey.
–
Et quant à l’utilité du théâtre, sa fonction sociale : tu
dirais quoi des pouvoirs du théâtre aujourd’hui ? De ce à quoi il sert, et de
ce qu’il peut réellement ?
JEAN-PIERRE VINCENT – C’est de garder
de façon publique l’intelligence en mouvement, le lien entre la surprise
artistique (l’émerveillement) et la vision critique. De permettre à des gens,
par des récits, des images, etc., de ne pas mourir idiots, ou de vivre actifs.
La lutte contre l’aggravation des inégalités, contre la séparation des
individus, l’aggravation de la situation écologique de la planète (de nous sur
cette planète absurde), ce n’est pas sans le théâtre que ça se fera. Ce qui
compte – je le vois bien dans les multiples rencontres avec le public – c’est
un échange actif de l’intelligence qui – j’ai le regret de le dire – ne se
produit plus guère qu’au théâtre, et autour de lui.
–
Mais qu’a-t-elle de singulière cette intelligence au théâtre ?
JEAN-PIERRE VINCENT – C’est de
permettre à des humains de prendre de la hauteur, de la distance, afin de
penser le monde hors des filières obligées. Non pas le penser de façon
pédagogique, mais de le penser avec des cerveaux plus libres, avec
l’imagination qui est le propre de chaque être humain. Là où je souffre un peu
en ce moment, c’est que depuis l’aventure Ravenhill à l’ENSATT, je n’ai pas
vraiment rencontré de textes forts. Si n’avons pas les poètes majeurs qui
naissent, ça va être très difficile pour le théâtre. Parce que les écritures de
plateau, ou les fantaisies barbares de tel ou tel inventeur de théâtre
aujourd’hui, ne vont pas faire époque, seulement symptôme d’époque. Mais notre
époque ne fait plus époque, dit Stiegler. Peut-être que le rapport du langage
avec le monde a été trop détruit par la révolution numérique – une aubaine pour
le règne de la Phynance mondiale et ces Ubu qu’elle met au pouvoir ici et là.
Les Damnés de la Terre – dans le Nord ou en Ohio – votent à droite de la
droite. Que feront-ils quand ça aussi aura raté ? J’espère que je ne serais
jamais déprimé, mais aujourd’hui je suis pessimiste. Comme disait le Président
Mao à un ministre français qui lui demandait « Monsieur le Président, vous avez
dû être formidablement optimiste en 1927 quand vous étiez cinquante à cheval
sur les hauteurs de Shanghai ? », et il a répondu : « Détrompez-vous
monsieur, j’étais tellement pessimiste que j’ai fait tout ça ». C’est une
phrase qui m’a beaucoup marqué, et souvent les phrases qui te marquent c’est
parce qu’elles te ressemblent".