lundi 3 mai 2021

Un roman au temps de la Commune

Bas les cœurs

Un roman de Georges Darien, qui se passe au temps de la Commune

Dans ce roman, nous suivons les événements qui vont de juillet 1870 et la déclaration de guerre de la France à la Prusse à mai 1871 et l’écrasement de la Commune de Paris, qui n’est que très brièvement évoquée. Mais en dépit de cette rapidité, on a là un portrait au vitriol d’une ville, et pas n’importe laquelle : Versailles,  où se réfugièrent Thiers et les royalistes qui voulaient tous écraser Paris, de leurs intérêts mesquins et méprisables et de leurs sordides calculs politiques.

C’est à travers les yeux d’un enfant de douze ans, Jean, que nous suivons l’évolution de la ville et de ses habitants. L’enfant, qui n’aime pas son père, voit tout : les rodomontades devant l’ennemi, les haines contre tous les opposants, surtout républicains, la rapacité de son père, puis, après Sedan, le lâchage de l’empereur déchu,  l’acceptation de la république, vue comme un moindre mal, leur collaboration avec l’occupant prussien, devenu « gentil ».

Ce livre est un chef-d’œuvre d’ironie et de vision lucide d’un monde en train de basculer. Rien n’échappe au regard de Jean, sans pour autant qu’il soit un personnage toujours exemplaire, car il accepte d’espionner un voisin républicain ou lance des pierres sur la vitrine d’un commerçant qui n’a pas pavoisé. Mais il regrette ces comportements, car il comprend les motivations des uns et des autres, et il devient toujours plus lucide.

Le père, entrepreneur, craint les destructions dues aux combats dans Paris. Il a surtout peur pour son argent. Une lettre arrive pour le rassurer :

«  ‘‘Tout est sauvé. Au moment de l’entrée des troupes, nous avions pris nos précautions. Nous avions mis en lieu sûr les fonds et les livres de caisse. (…) Il était grand temps que les Versaillais parvinssent à percer le mur de la maison voisine et à se précipiter dans le chantier. Les insurgés avaient déjà apporté du pétrole. Ils n’ont pas eu le temps de s’enfuir. On en a tué huit sous la porte cochère…’’

-Huit ! s’écrie mon père. Ah ! tant mieux !

Ce tant mieux m’entre dans l’oreille comme un coup de pistolet. Je n’oublierai jamais ce cri-là. »

Plus tard, Thiers passe en voiture. On l’acclame.

« Moi, je connais Thiers. Je sais ce qu’il a été. Je sais ce qu’il est. Je ne saluerai pas. »

 

De son vrai nom Georges Adrien, Darien (1862-1921) est l’auteur de plusieurs romans :

Bas les cœurs (1889), Biribi (sur les bagnes militaires, 1890), Les Pharisiens (où il attaque les antisémites), Le Voleur (célébré par Alfred Jarry et redécouvert par André Breton, 1897), L’Epaulette (1901), Gottlieb Krumm (1904),  de pièces de théâtre, de pamphlets, tous ouvrages de la même veine, inspirés d’un esprit libertaire virulent et intransigeant.
Il a dirigé plusieurs journaux dont L’En-Dehors, avec Zo d’Axa, L’Escarmouche (1893-94), et L’Ennemi du Peuple (ainsi intitulé parce que « si le peuple a des amis, eh bien, qu’il se les garde ! », 1903-1904).



 

Par Etienne

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire