lundi 18 février 2019

Notes de lecture


William Muir 

Le sixième commandement 


Gallimard, Série Noire, n° 2730, 2005.


William Muir, Le sixième commandement (Gallimard, Série Noire, n° 2730, 2005).
Remarquable roman policier qui se situe dans un avenir tout proche où l’on contraint la population britannique à appliquer elle-même les lois qu’elle a votées. Ainsi, la peine de mort ayant été rétablie par référendum, le héros du récit, William Riley, ayant voté « oui », se voit obligé de prendre part à l’exécution capitale d’un assassin. Cette dystopie se projette dans un avenir qui est à portée de main.

Ce roman, dont le titre original est « The eighteenth pale descendant », d’après une chanson des Smiths, est étonnant. Il montre la société britannique sous un jour quasi totalitaire : les faits et gestes du héros sont connus dans les moindres détails, à commencer par son vote lors du référendum. 
L’auteur est très peu connu (il n’est même pas référencé sur Wikipedia). Il est né à Glasgow en 1967 et a écrit un second roman, Random Hits, qui devait être publié en 2004, mais, l’éditeur ayant fait faillite, il est resté à l’état de manuscrit pendant dix ans, considéré comme impubliable, car « personne ne s’intéressait à l’existence des classes au Royaume-Uni aujourd’hui », lui dit-on, en ajoutant qu’il n’y avait pas de place sur le marché pour son ouvrage. Une citation illustre bien le propos de l’auteur : « En 1999, Tony Blair a déclaré que la guerre des classes était finie. Seulement, il n’a pas dit qui avait gagné. » Ce second roman n’a pas encore été traduit en français.

Les Ecrivains contre la Commune, de Paul Lidsky, La Découverte, 2010.
Ce livre, publié à l’origine par les éditions Maspero en 1970, relate les réactions des écrivains contre la Commune de Paris. A l’exception de Vallès, Verlaine (tous deux communards), Villiers de L’Isle Adam et Rimbaud (qui n’avait encore rien publié), tous les écrivains condamnent la Commune et vilipendent les Communards dans des termes d’une virulence extraordinaire, que ce soit dans des articles parus au moment des événements, des lettres évidemment restées inédites pendant de nombreuses années, ou, plus tard, dans leurs romans. Seul Victor Hugo condamne la répression. Tous les autres l’approuvent, l’appellent de tous leurs vœux, l’applaudissent. Les Communards sont des individus violents, alcooliques, puants, incultes, les Communardes sont encore pires. George Sand, Gustave Flaubert, Théophile Gautier, Alexandre Dumas fils, Ernest Feydeau, Emile Zola, Leconte de Lisle, Anatole France et tous les autres, moins connus, condamnent sans appel  la Commune. Toutes sortes de mythes et de thèmes reviennent sous la plume des grands auteurs : la maladie, la fièvre, l’alcool, les étrangers, les femmes, la pègre…

Dans une postface augmentée dans la dernière édition, l’auteur évoque « l’esprit versaillais en mai 68 » et relève que le langage utilisé par les  journalistes contre les émeutiers de 1968 est le même que celui des écrivains pendant la Commune. A l’heure où les « gilets jaunes » sont l’objet de  condamnations et d’amalgames similaires, voilà une lecture qui est très éclairante sur les mécanismes d’écriture au service du pouvoir.
Etienne