William Muir, Le
sixième commandement (Gallimard, Série Noire, n° 2730, 2005).
Remarquable roman policier qui se situe dans un avenir tout
proche où l’on contraint la population britannique à appliquer elle-même les
lois qu’elle a votées. Ainsi, la peine de mort ayant été rétablie par
référendum, le héros du récit, William Riley, ayant voté « oui », se
voit obligé de prendre part à l’exécution capitale d’un assassin. Cette
dystopie se projette dans un avenir qui est à portée de main.
Ce roman, dont le titre original est « The eighteenth pale descendant »,
d’après une chanson des Smiths, est étonnant. Il montre la société britannique
sous un jour quasi totalitaire : les faits et gestes du héros sont connus
dans les moindres détails, à commencer par son vote lors du référendum.
L’auteur est très peu connu (il n’est même pas référencé sur Wikipedia). Il est
né à Glasgow en 1967 et a écrit un second roman, Random Hits, qui devait être publié en 2004, mais, l’éditeur ayant
fait faillite, il est resté à l’état de manuscrit pendant dix ans, considéré
comme impubliable, car « personne ne
s’intéressait à l’existence des classes au Royaume-Uni aujourd’hui », lui dit-on, en ajoutant
qu’il n’y avait pas de place sur le marché pour son ouvrage. Une citation
illustre bien le propos de l’auteur : « En 1999, Tony Blair a déclaré que la guerre des classes était finie. Seulement,
il n’a pas dit qui avait gagné. » Ce second roman n’a pas encore été
traduit en français.
Les Ecrivains contre la
Commune, de Paul
Lidsky, La Découverte, 2010.
Ce livre, publié à l’origine par les éditions Maspero en
1970, relate les réactions des écrivains contre la Commune de Paris. A
l’exception de Vallès, Verlaine (tous deux communards), Villiers de L’Isle Adam
et Rimbaud (qui n’avait encore rien publié), tous les écrivains condamnent la
Commune et vilipendent les Communards dans des termes d’une virulence
extraordinaire, que ce soit dans des articles parus au moment des événements,
des lettres évidemment restées inédites pendant de nombreuses années, ou, plus
tard, dans leurs romans. Seul Victor Hugo condamne la répression. Tous les
autres l’approuvent, l’appellent de tous leurs vœux, l’applaudissent. Les
Communards sont des individus violents, alcooliques, puants, incultes, les Communardes
sont encore pires. George Sand, Gustave Flaubert, Théophile Gautier, Alexandre
Dumas fils, Ernest Feydeau, Emile Zola, Leconte de Lisle, Anatole France et
tous les autres, moins connus, condamnent sans appel la Commune. Toutes sortes de mythes et de
thèmes reviennent sous la plume des grands auteurs : la maladie, la
fièvre, l’alcool, les étrangers, les femmes, la pègre…
Dans une postface augmentée dans la dernière édition,
l’auteur évoque « l’esprit versaillais
en mai 68 » et relève que le langage utilisé par les journalistes contre les émeutiers de 1968 est
le même que celui des écrivains pendant la Commune. A l’heure où les
« gilets jaunes » sont l’objet de
condamnations et d’amalgames similaires, voilà une lecture qui est très
éclairante sur les mécanismes d’écriture au service du pouvoir.
Etienne