samedi 27 mars 2021

Bertrand Tavernier : un artiste a disparu, pas son souffle


 

Crédits photo : Studio Harcourt/Droits réservés

Bertrand Tavernier est mort le 25 mars, à Sainte-Maxime.

Né le 25 avril 1941 à Lyon, Bertrand Tavernier était un peu l’empêcheur de filmer en rond du cinéma français.

En effet, il prend très tôt le contrepied des cinéastes de la Nouvelle vague en privilégiant le récit classique, en s’appuyant sur un cinéma populaire de qualité, inspiré du cinéma américain, en particulier du western et du polar, en utilisant des scénaristes comme Aurenche et Bost, vilipendés par Truffaut dans son célèbre article « Une certaine tendance du cinéma français ».

Le résultat est impressionnant. 

Dès son premier film, L’Horloger de Saint-Paul (1974) il choisit un scénario classique, inspiré d’un roman de Simenon. Ensuite viendront : Que la fête commence, d’après Alexandre Dumas (1975), Coup de torchon (1981), adapté de Jim Thompson, aggrave son cas en adaptant un roman de Pierre Bost, M. Ladmiral va bientôt mourir, sous le titre Un dimanche à la campagne  (1984) – il avait déjà eu recours aux services de Pierre Bost et Jean Aurenche pour trois films, L’Horloger de Saint-Paul, Que la fête commence  et Le juge et l’assassin (1976) –,  La vie et rien d’autre (1989), Capitaine Conan (1996) d’après Roger Vercel, Ca commence aujourd’hui (1999), Laissez-passer (2002),  film dans lequel il montre les cinéastes français au travail sous l’Occupation, Dans la brume électrique (2009), d’après James Lee Burke, avec Tommy Lee Jones, et les émouvantes silhouettes du  bluesman Buddy Guy et du chanteur et batteur  Levon Helm,  qui campe un général sudiste au temps de la Guerre de Sécession, La princesse de Montpensier (2010) d’après Madame de La Fayette que Nicolas Sarkozy avait grossièrement attaquée à deux reprises,  et sa série documentaire Voyage à travers le cinéma français (2016), qui montre l’étendue de sa culture cinéphilique.

Bertrand Tavernier avec Isabelle Huppert et Philippe Noiret, en 1981, sur le tournage de "Coup de Torchon", adaptation de 1275 âmes de Jim Thompson, numéro 1000 de la Série noire. (D.R. / Etienne George - Collection ChristopheL/AFP)

Car Tavernier était aussi un cinéphile passionné, auteur d’une monumentale histoire du cinéma américain, qui devrait connaître une troisième version en 2021 (après celles de 1970 et 1991), Cent ans de cinéma américain, où il montre tout son amour pour un cinéma populaire de qualité, loin des théories et des idéologies. Dans le même esprit, il venait de lancer une collection, « L’Ouest, le vrai », chez Actes Sud,  de romans ayant servi de base aux scénarios de westerns célèbres, pensant que ces romans méritaient d’être lus.

Egalement passionné de jazz, Tavernier a réalisé en 1986 Autour de minuit qui raconte la vie du pianiste Bud Powell, transposée (dans le film, c’est l’histoire d’un saxophoniste, joué par Dexter Gordon).


En outre, Tavernier était un homme engagé, ce que l’on voit tant dans ses films de fiction que dans ses documentaires, contre la guerre, les injustices, le colonialisme…

La fin inoubliable de Que la fête commence montre une fille du peuple qui tient dans ses bras son jeune frère écrasé par le carrosse du Régent, et dit en voyant un autre  carrosse brûler : « Regarde, petit frère, comme ça brûle bien ! Et on va en brûler d’autres, beaucoup d’autres ! », annonçant la Révolution.


 

Par Etienne

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