dimanche 3 mai 2020

Idir : Un artiste a disparu, pas son souffle


Idir / Crédits © Patrick Swirc

« Idir a choisi de s’affirmer contemporain de notre temps : méditerranéen, algérien kabyle. Sa musique est la musique algérienne d’aujourd’hui telle qu’elle pourrait être, débarrassée du plagiat aliénant et refusant la dynamique de recul et de nostalgie d’une certaine folklorisation  pour imposer la recherche d’un progrès réel et digne, d’un modernisme ancré solidement dans les réalités du pays. C’est une musique du refus, de la difficulté,  et en définitive de fidélité et d’amour. Il faut aimer les hommes pour les convier à la musique. Mais pour cela il faut aimer la terre et la graine, son offrande. Idir aime son pays et son chant. (…) Cette musique de tendresse qui s’arrête avec épanchement sur les réalités de la vie quotidienne pour mieux s’imprégner de leur poésie, décrivant l’angoisse et l’espoir mêlés des hommes et de l’artiste, est une musique de la vie, une note d’espérance. Elle a la force du démenti.
Encore fallait-il prendre le risque, sur la place du marché où les discours faux et contradictoires des épiciers qui comptent leurs sous en vantant leurs marchandises dans un brouhaha assourdissant, de s’installer sur le tabouret nouveau et curieux de l’authenticité pour crier une sincérité »
Notes de pochette de l’album A Vava Inou Va original (Pathé Marconi, 1976).

 

Idir, de son vrai nom Hamid Cheriet, né près de Tizi Ouzou, en Algérie kabyle, en 1949, est décédé le 2 mai 2020 à Paris. Il chantait en tamazigt, la langue des Berbères.
Il est le créateur de la chanson « A vava inou va », qu’il avait enregistrée par hasard, la chanteuse qui devait l’interpréter ne s’étant pas présentée.   Puis il part faire son service militaire. La chanson devient, à son insu, un tube planétaire. Libéré de ses obligations militaires, il se rend en France, où il enregistre l’album éponyme A Vava Inou Va. Sa carrière est lancée, mais Idir ne joue pas le jeu. Il enregistre peu, donne des concerts, se retire pendant dix ans, revient, et organise des rencontres avec de nombreux autres musiciens : Manu Chao, Maxime Le Forestier, Akhenaton, Grand Corps Malade, Zaho, Zebda, Manu Dibango (lui aussi récemment disparu).
Je l’ai vu en concert deux fois : la première à Uckange, dans un gymnase plein à craquer. 99 % des spectateurs étaient berbères ou arabes. Une pêche d’enfer communicative : nous avons dansé pendant tout le concert. La seconde, à Borny, en plein air, un concert gratuit : même ambiance avec un public plus diversifié, trop heureux de l’aubaine.

Il donne ainsi beaucoup de concerts : en 1995 avec Khaled en pleine guerre civile en Algérie : « le raï oranais rencontre la poésie contestataire kabyle » disent les Inrocks ; en 1998 en hommage à Lounès Matoub chanteur kabyle comme lui, assassiné par les intégristes islamistes.
Il a réenregistré A Vava Inou Va en 1991, dans des versions différentes de l’original. L’album microsillon vaut d’être recherché.



Un extrait du concert d'Idir à Metz Borny :

Le lien vers le site officiel :
https://idir-officiel.fr/  

 Et un lien vers le site "la-bas.org" pour découvrir  un document étonnant :
"En 1993, IDIR et JOHNNY CLEGG se parlent et jouent ensemble par écran interposé,
à 10 000 kilomètres de distance, comme les confinés d’aujourd’hui !"
https://la-bas.org/la-bas-magazine/reportages/idir-notre-ami

Par Etienne