mercredi 29 avril 2020

Dalton Trumbo


Où les mots se déplacent sans attestation dérogatoire

Un livre : Johnny s’en va-t-en guerre (Johnny got his gun), de Dalton Trumbo.


Pendant la Première guerre mondiale, Johnny, jeune soldat américain engagé dans la fièvre chauvine de 1917, reçoit un obus sur la tête. Il se réveille à l’hôpital, conscient, mais immobilisé. En réfléchissant, il se rend compte progressivement qu’il n’a plus de bras, ni de jambes. Ensuite, il s’aperçoit qu’il est devenu sourd et aveugle. Il n’a plus de bouche et ne peut pas parler.
Dès lors, son cerveau fonctionnant, tout son combat va se résumer à ceci : comment sortir de là ? Se mêlent rêves et imagination vagabonde, cauchemars et souvenirs. Il sollicite toutes ses connaissances, sa petite amie,  Jésus, son père... Il va finir par trouver la clé pour entrer en communication avec ceux qui s’occupent de lui. Ses demandes sont refusées : on n’accepte pas qu’il soit exhibé sur les places publiques pour que tout le monde comprenne ce que c’est que la guerre ; et on n’accepte pas non plus de le tuer. Comme chaque fois qu’il s’agite pendant la période précédente, on lui injecte une dose massive de tranquillisants.

Ce livre est un des plus beaux jamais écrits contre la guerre. Il se range parmi les grandes œuvres artistiques anti-guerre, comme les Misères de la Guerre de Jacques Callot ou les Désastres de la Guerre de Goya en leur temps.
Une fois qu’on l’a commencé, on ne peut plus le lâcher, ou alors c’est qu’on est saisi d’horreur, mais  on y revient. Comme Peter Ibbetson,  le héros du roman éponyme de George du Maurier, cloué sur son lit, il donne à ses rêves et à son imagination une force qui transcende sa situation désespérée.
Le roman, écrit en 1938,  étant paru en 1939, et rapidement épuisé, des extrémistes de droite poussèrent à sa réédition avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, mais Trumbo estima que dans ces conditions, il ne fallait surtout pas qu’il soit réédité, et, en accord avec son éditeur, refusa de le faire republier jusqu’à la fin des hostilités.



Dalton Trumbo (1905-1976) était un scénariste réputé d’Hollywood, mais, étant de gauche, il est traduit devant la Commission des activités anti-américaines, et,  ayant refusé de dénoncer des collègues, est condamné à un an de prison. Exilé au Mexique, il y rédige des scénarios pour films de série B, et aussi pour des films moins commerciaux ; il obtient même un oscar pour un film signé sous un faux nom. Il fait son grand  retour avec Exodus et Spartacus, dont les réalisateur (Otto Preminger) et producteur et acteur vedette (Kirk Douglas) imposent son nom au générique, en 1960. En 1971,  il adapte et tourne lui-même (non sans l’avoir proposé à Luis Bunuel, qui avait refusé, car il pensait que seul Trumbo  pouvait le faire) Johnny Got His Gun, qui sera, en pleine guerre du Vietnam, un immense succès.  


La bande annonce du film sous-titrée en français :


La bande annonce américaine :


Un lien vers le film en intégralité en version originale (non sous-titrée) :


En 1988 le groupe Metallica a enregistré sur l'album … And Justice For All 
la chanson One, basée sur le roman de Dalton Trumbo :

Par Etienne