Où les mots se déplacent sans attestation dérogatoire
Un
livre : Johnny s’en va-t-en guerre
(Johnny got his gun), de Dalton Trumbo.
Pendant la
Première guerre mondiale, Johnny, jeune soldat américain engagé dans la fièvre
chauvine de 1917, reçoit un obus sur la tête. Il se réveille à l’hôpital,
conscient, mais immobilisé. En réfléchissant, il se rend compte progressivement
qu’il n’a plus de bras, ni de jambes. Ensuite, il s’aperçoit qu’il est devenu
sourd et aveugle. Il n’a plus de bouche et ne peut pas parler.
Dès lors,
son cerveau fonctionnant, tout son combat va se résumer à ceci : comment
sortir de là ? Se mêlent rêves et imagination vagabonde, cauchemars et
souvenirs. Il sollicite toutes ses connaissances, sa petite amie, Jésus, son père... Il va finir par trouver la
clé pour entrer en communication avec ceux qui s’occupent de lui. Ses demandes
sont refusées : on n’accepte pas qu’il soit exhibé sur les places
publiques pour que tout le monde comprenne ce que c’est que la guerre ; et
on n’accepte pas non plus de le tuer. Comme chaque fois qu’il s’agite pendant
la période précédente, on lui injecte une dose massive de tranquillisants.
Ce livre est
un des plus beaux jamais écrits contre la guerre. Il se range parmi les grandes
œuvres artistiques anti-guerre, comme les Misères
de la Guerre de Jacques Callot ou les Désastres
de la Guerre de Goya en leur temps.
Une fois
qu’on l’a commencé, on ne peut plus le lâcher, ou alors c’est qu’on est saisi
d’horreur, mais on y revient. Comme
Peter Ibbetson, le héros du roman
éponyme de George du Maurier, cloué sur son lit, il donne à ses rêves et à son
imagination une force qui transcende sa situation désespérée.
Le roman,
écrit en 1938, étant paru en 1939, et
rapidement épuisé, des extrémistes de droite poussèrent à sa réédition avant
l’entrée en guerre des Etats-Unis, mais Trumbo estima que dans ces conditions,
il ne fallait surtout pas qu’il soit réédité, et, en accord avec son éditeur,
refusa de le faire republier jusqu’à la fin des hostilités.
Dalton
Trumbo (1905-1976) était un scénariste réputé d’Hollywood, mais, étant de
gauche, il est traduit devant la Commission des activités anti-américaines, et,
ayant refusé de dénoncer des collègues, est
condamné à un an de prison. Exilé au Mexique, il y rédige des scénarios pour
films de série B, et aussi pour des films moins commerciaux ; il obtient
même un oscar pour un film signé sous un faux nom. Il fait son grand retour avec Exodus et Spartacus, dont
les réalisateur (Otto Preminger) et producteur et acteur vedette (Kirk Douglas)
imposent son nom au générique, en 1960. En 1971, il adapte et tourne lui-même (non sans l’avoir
proposé à Luis Bunuel, qui avait refusé, car il pensait que seul Trumbo pouvait le faire) Johnny Got His Gun, qui sera, en pleine guerre du Vietnam, un
immense succès.
La bande
annonce du film sous-titrée en français :
La bande
annonce américaine :
Un lien vers
le film en intégralité en version originale (non sous-titrée) :
En 1988 le groupe
Metallica a enregistré sur l'album … And Justice For All
la chanson
One, basée sur le roman de Dalton Trumbo :
Par Etienne